La Princesse Cannibale
Note de l'auteure : Quelques fois, quand je travaille longtemps ou autre chose, je commence à me demander comment vont Sacha et Lucas [T1, Esclave des Sens]. Ce qui arrive généralement c'est que j'écris une scène de leur vie. Comme ces scènes n'ont pas réellement de sens dans des histoires complètes, ce sont généralement de rapides aperçus, comme si vous regardiez au travers d'une fenêtre (peut-être le temps d'une page), je ne les mets généralement pas en ligne. Mais cette scène particulièrement a fini par être une histoire courte, donc je pense que vous aimeriez la lire. Dans la chronologie, cette histoire se situe après Esclave des Sens [T1] et avant Visions Torrides [T2]. Enjoy !
“Sacha Chérie !”
Sacha sentit les commissures de ses lèvres se relever à ce cri enfantin.
“Complètement ta faute” dit-elle à Lucas qui cachait très mal son sourire.
“Qu'est ce que je peux dire ?” Il étira ses bras. “Le gamin a de bons goûts, sans mentionner d’excellentes façons de parler.”
Ignorant son compagnon qui l'entraînait en dehors de la gigantesque cuisine de Tamsyn en direction de la salle à manger, elle se dirigea de son propre chef où Julian et Roman étaient assis côte à côte sur le sofa.
“Vous avez appelé, votre altesse ?”
Les petits gloussèrent et s'écartèrent chacun de leur côté. Julian tapota l'espace entre eux et Sacha s'assit. Puis ils se blottirent immédiatement contre elle, petits, chauds et si précieux. Chaque fois qu'elle tenait ces deux-là, elle se demandait ce que le futur leur réservait, à Lucas et elle. Ses yeux se relevèrent et rencontrèrent son derrière comme il s'asseyait au bord de la table basse devant elle. Le magnifique vert de son regard fixé sur elle contenait la plus intense des promesses.
Son cœur se mût par saccades. Impossible, lui dit son avis de Psi. Mais elle savait que c'était possible. Les émotions étaient une force que la plupart des Psis avaient oublié. Elles peuvent blesser et elles peuvent être la source de tant de joie que c'était au dessus de tout ce qu'elle avait jamais imaginé possible.
Une petite main tapota son bras gauche. Roman, elle pensait, se tournant pour déposer un baiser sur le haut de sa tête. Il était le plus tranquille des deux, mais ensembles, ils étaient les ennuis incarnés sur quatre pattes – huit s'ils avaient pris leur forme animale.
“Votre maman vous manque ?” demanda-t-elle.
Roman inclina la tête. De son autre côté, Julian demanda, “de retour ce soir ?”. Sa voix n'avait pas de caractéristique plaintive.
“Oui, ils seront de retour ce soir” Tammy et Nate avaient du faire un rapide voyage en dehors de l'état, laissant leurs petits aux soins de Sacha et Lucas. Sacha adorait la paire et cela continuait de la surprendre que cette adoration semble mutuelle. Elle les regarda chacun leur tour.

“Je m'assurerait de lui dire à quel point vous avez été gentils tous les deux.”
Cela lui vaut un sourire de la part de Julian et un bisou sur la joue de la part de Roman. Lucas regardait, la taquinant des yeux. Il savait qu'elle était un aimant pour les enfants. Elle lui fit une grimace.
“Une histoire, Sacha ?”
Sacha s'immobilisa à la question de Julian. Même après des mois avec DarkRiver, elle continuait à être prise par surprise par des choses pour lesquelles elle n'avait pas pensé à se préparer. “Vous voulez entendre une histoire ?”
Deux signes de têtes, deux paires d'yeux brillants qui la regardait avec anticipation.
Perdue, elle jeta un coup d'œil à Lucas. Elle ne savait pas comment raconter des histoires. Elle avait passé son enfance à garder les émotions en dehors de son esprit.
Personne ne lui avait jamais raconté d'histoires sauf celles qui la mettaient en garde pour verrouiller les émotions enfermées au loin, où elles ne pouvaient pas la détruire. Sa mère lui avait parlé tout bas à propos de la rééducation, des créatures de cauchemars qui n'étaient rien de plus que des légumes ambulants, leur vies drainées au loin.
Son souvenir d'enfant le plus puissant était de se tenir debout dans le Centre, regardant les rééduqués tituber d'un coin d'une pièce à un autre, leurs fonctions amorphes, leurs yeux vides de tout sauf de restes les plus effacés d'humanité.
Les ténèbres du souvenir menacèrent de s'accrocher à elle mais une vague d'amour voyagea à travers les fils entremêlés du lien en elle, cette chose magique qui la reliait à la panthère penchée sur le côté de la table basse, ses longues jambes étendues pour encercler les siennes. “J'ai une histoire” dit-il, retenant l'attention des jumeaux. “Mais elle fait peur.”
“Vraiment ?” Julian se pencha en avant dans l'excitation.
“On est pas des bébés.” ajouta Roman.
Lucas fit une grimace. “Je ne sais pas, votre mère pourrait se fâcher.” “S'il te plaît, oncle Lucas !”
“S'il te plaît !”
“S'il te plaît ! S'il te plaît !”
“S'il te plaît !”
Lucas lâcha un soupir solennel et se pencha un peu en avant, appuyant ses avants- bras sur ses cuisses.
“D'accord, mais je vous aurait prévenus. Si vous avez des cauchemars, ne venez pas vous plaindre à moi.”
En le regardant à cet instant, avec sa voix douce, personne ne l'aurait désigné comme un des plus dangereux prédateurs du territoire, une panthère qui pouvait déchiqueter ses ennemis à main nues. Mais, Sacha pensait, il était toujours l'alpha de DarkRiver. Excepté cette fois, il s'occupait des besoins des deux membres les plus jeunes de la meute. Et d'elle. Il s'occupait d'elle aussi, avec son support tranquille qui la laissait savoir qu'il était là pour l'aider alors qu'elle s'adaptait à cette nouvelle vie, ce nouveau monde.
“Il était une fois,” dit-il, “une princesse-”
“Une princesse !” le cri dégoûté de Julian, suivi par le froncement de sourcils de Roman.
Lucas gronda très bas avec sa gorge, faisant taire les deux petits qui se blottirent contre Sacha avec des frissons craintifs. Elle savait que c'était pour le show mais elle les serra plus fort contre elle.
“Comme je disais, ils y avait une princesse. Elle vivait dans une tour au milieu de la forêt et elle avait sept serviteurs.”
“Sept ?” osa chuchoter Julian.
“Un pour chaque jour de la semaine” dit Lucas “Vous voyez, chaque jour, un serviteur partait pour le village voisin et-”
“Et ?” Roman cette fois.
“Je sais pas.” Lucas fronça les sourcils. “C'est la partie qui fait vraiment peur. Vous êtes sûrs que vous irez bien ?”
Deux rapides hochements de tête.
Acquiesçant, Lucas se pencha plus près, sa voix en un murmure. “Vous savez, la princesse avait de très grandes dents, aiguisées comme des couteaux.”
Roman haleta mais n'interrompit pas le récit. Julian n'était pas si tranquille. “Comme les loups ?”
Les lèvres de Lucas esquissèrent un sourire. “Exactement comme les loups.”
Elle fronça les sourcils à son adresse. Les Loups étaient supposés être leurs alliés maintenant. Un rire non repenti dansa dans ses yeux comme il continuait l'histoire. “La princesse pouvait couper n'importe quoi avec ses dents aiguisées de loup, la chair et les os, le bois et le métal, et même... les portes des chambres des petits garçons.”
Comme les petits tremblaient de nouveau, Lucas leva le regard pour capter les yeux grands ouverts de Sacha. Elle apparaissait aussi innocente que Julien et Roman à ce moment, un enfant capitulant à la magie de l'histoire pour la première fois. Une ruée déchirante de tendresse remplit son cœur, mais vint avec elle une détermination d'acier. Personne ne la blesserai plus jamais, pas tant qu'il serait en vie.
“Maintenant, dans le village, le village où se rendaient les serviteurs tous les soirs” continua-t-il, comme venait le fil de l'histoire “vivait un petit garçon. Toutes les nuits, il allait au lit après avoir vérifié toutes les portes et fenêtres de sa maison.”
“Pourquoi ?” demanda Sacha.
“Pour que les serviteurs de la princesse ne le prennent pas.” dit-il, comme cela devait être évident.
“Mais pourquoi ?” son esprit analytique de Psi persistant.
“Parce que,” il fit une pause, laissa la tension monter, puis gronda les derniers mots “la princesse cannibale aimait les petits garçons au diner.”
Son audience – tous les trois – s’agrippèrent les uns aux autres. Il éclata presque de rire à la vue du regard choqué sur le visage de Sacha. Elle se demandait probablement pourquoi il racontait un conte sanguinaire aux deux léopards si petits. Son chaton chéri ne s'était pas encore rendu compte que les enfants étaient beaucoup plus sauvages que les adultes.
“Son plat préféré était du rôti de petit garçon avec un glaçage de miel et des tranches d'ananas.”
“Lucas, peut-être-” commença Sacha.
“Shh.” Deux petites voix, quatre mains la saisissant à la taille. “Encore, Oncle Lucas.”
“Bien, des fois elle les aimait joliment dodus donc elle les gardait dans un petit office spécial et les alimentait de gâteaux, de tartes et de-”
“-saucisses !” ajouta Roman.
“Oui.” Lucas acquiesça avec un hochement de tête solennel. “Et cet office, rempli de gâteaux, de tartes et de saucisses, était là où elle mettait le petit garçon du village. Elle lui dit de manger, manger... pour qu'elle puisse le manger.”
Comme il était assis là et racontait un conte délicieusement sombre sur comment l'intelligent petit garçon battit la princesse cannibale avec son seul esprit, il regardait Sacha, sentit son amour pour lui, pour les petits, les entourant d'une vague soyeuse. Elle ne réalisait pas comme elle était extraordinaire, comment être dans une pièce avec sa meute le faisait se sentir mieux à propos de la vie, de l'espoir, de tout.
Et elle était sienne.
La panthère en lui ronronna à cette pensée, il sourit, découvrant ses dents et mit fin au conte avec un grondement d'usurpation aux jumeaux à à Sacha. Tous les trois crièrent puis gloussèrent. Julien et Roman prétendirent le mordre et Sacha était un arc en ciel dans sa tête. Devant lui, son visage passa en un éclair au rire comme les jumeaux se tournaient vers elle, se lançant un regard mutuel décidant de faire d'elle leur prochaine victime.
Dix minutes de lutte plus tard, elle souleva les mains dans un éclat de rire, en reddition et se déclara « mangée ».
***
Cette nuit là, dans le lit, elle se tourna vers lui et dit, “raconte-moi une histoire Lucas. Pas de cannibales.”
Il soupira, caressa d'une main le bas de son dos. “Je connais seulement des histoires de cannibales” la taquina-t-il.
“S'il te plaît,” dit-elle, dans une imitation des jumeaux. “S'il te plaît, s'il te plaît !”
Il l'embrassa, se rappelant comment elle était restreinte quand ils se sont rencontrés la première fois. Mais même alors, il avait senti l'aspect sauvage en elle. “Si je ne peux pas avoir des cannibales, je peux avoir des singes dérangés ?”
Ses yeux s'élargirent et elle inclina la tête.
“Avant que je commence, quand vas-tu me raconter une histoire ?”
Elle fit une pause, réfléchissant. “Il faut que je fasse plus de recherches” Elle mit sa main contre son torse.
“Apprend-moi.”
La panthère ronronna en approbation. Ça c'était une femme faite pour être sa compagne, une femme qui n'abandonnait pas, peu importe les obstacles. “Qu'en dirait-tu...” il commença à défaire sa tresse “...si on racontait cette histoire ensemble.”
Un lent, doux, parfait sourire réchauffa ses yeux. “Il était une fois,” elle murmura, “une princesse qui vivait avec une panthère.”
Deux jours plus tard, Lucas reçu un appel de Tamsyn dans lequel elle lui demandait de lui expliquer pourquoi ses petits connaissait le sens du mot « cannibale ».